Le portage de bébé au dos est un élément de notre riche patrimoine culturel à conserver pour ses vertus aussi bien pour l’enfant que pour la mère. Mettre bébé au dos, c’est un savoir-faire que la plupart des femmes béninoises apprennent à bas âge. Cette transmission du savoir prépare la jeune fille adolescente à faire face aux exigences qui seront les siennes dans un foyer futur avec ses propres enfants.
Sécurité physique, don affectif réciproque entre mère et enfant, codage et décodage du langage d’un nourrisson, communication permanente entre bébé et maman, éveil de sens chez le bébé, fonction de reconnaissance et de diagnostic primaire et précoce d’éventuels malaises chez les bébés ( fractures, un début d’excédent de température, etc), assurance pour la mère désormais portée par l’instinct protecteur, combinaison à la fois de ce rôle protecteur avec l’accomplissement des tâches ménagères dans une Afrique où le fonctionnement du foyer repose encore largement sur les femmes, etc.
J’oubliais, dans nos pays où le relèvement du pouvoir d’achat demeure un défi, nul ne peut occulter l’aspect économique du portage de bébé au dos. Un pagne bien solide avec ses accessoires, puis l’affaire est réglée. Dieu seul sait que les garde-robes ou autres armoires de nos soeurs et mères sont habituellement remplies de pagnes. Le même pagne est souvent et peut être utilisé pour le portage de bébé au dos tout le temps. Le kangourou par exemple est adapté aux âges. Les parents peuvent être amenés à en avoir un ou trois de différentes tailles selon le poids et la croissance du bébé. Le rapport au coût a toujours été un facteur de stratification des classes sociales. Ce rapport au coût va aussi déterminer le choix du pagne ou du kangourou dans beaucoup de ménages à faibles revenus. Les avantages liés au portage de bébé au dos sont inestimables.
Les professionnels de la santé avec leur science pourront aider à faire évoluer la réflexion. Dr. Adanvo Isaac Houngnigbe, ta réaction sur les discours qui tendent à faire croire que les médecins interdisent la pratique du portage de bébé au dos est attendue.
Loin de livrer un procès aux femmes qui, pour plusieurs raisons (raisons médicales, contraintes professionnelles, défaut d’appropriation de la pratique dès le bas âge, etc) portent moins ou ne portent plus du tout leurs bébés au dos, il est question de promouvoir et d’assumer une identité singulière africaine. Aucune innovation et aucun emprunt exogène ne sauraient conduire à un effacement total de nos référents culturels authentiques.
Nous pouvons bien alterner les méthodes modernes de portage de bébé (l’usage du kangourou p.ex.) et nos savoirs locaux (p.ex. mettre bébé au dos). À la rencontre des autres nations du monde, nos sociétés africaines gagneraient à conserver et à apporter à l’histoire de l’humanité leurs savoirs propres, certes, dans une démarche d’ouverture et de brassage, mais pour surtout éviter une transfiguration totale des savoirs locaux.
Joël Tchogbé, sociologue