Le potentiel économique et socioculturel de la diaspora africaine compte pour beaucoup dans le développement des pays africains. Cette diaspora est présente dans l’économie sociale. Elle soutient, par divers mécanismes, des ONGs, des collectivités territoriales et autres associations. Par le système de transfert de fonds aux parents, amis, partenaires d’affaires, etc., cette diaspora apporte au quotidien du souffle à l’économie nationale des pays africains.
Ils sont aujourd’hui nombreux, ces jeunes qui partent pour étudier à l’étranger et qui choisissent de ne plus revenir au pays une fois les diplômes obtenus. Sont-ils pour autant des apatrides ou peu patriotes ? Non. L’idée essentielle à cultiver ici est de s’assurer que ces » bras valides » ont toujours des connexions avec leurs pays d’origine ; qu’ils ont toujours un amour pour ces pays ; qu’ils sont mus par une hargne d’utiliser leurs nouvelles positions sociales et leurs compétences, leurs carnets d’adresse et leurs réseaux construits à l’étranger pour servir la cause du développement de l’Afrique. Ceci, dans une démarche intelligente, partenariale, gagnant-gagnant et surtout sans complexes.
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D’un autre côté, il faut encourager les États africains à accélérer la mise en œuvre des politiques publiques favorables à la création des emplois grâce à un climat des affaires florissant, une chaîne économique performante et résiliente, une offre de formation adaptée aux besoins du marché du travail, un mécanisme de reconnaissance de mérite et de promotion des talents, un relèvement du pouvoir d’achat, etc.
C’est à ce seul prix que l’hémorragie des cerveaux sera arrêtée pour qu’enfin le réflexe premier des jeunes africains désabusés et désillusionnés soit de rester au pays pour contribuer à l’œuvre de développement.
Comment finir cette brève réflexion sans responsabiliser les communautés elles-mêmes ?
Parfois et souvent, les perceptions et croyances développées autour du mot » voyage » surtout quand la destination s’appelle Occident sont la cause du départ massif et sans retour des jeunes. Les discours construits et partagés autour de la vie en occident sont aussi un poids pesant dans le choix du retour ou non.
Avec le concours des médias sociaux et des contenus de l’industrie cinématographique, la belle vie est vendue. C’est le paradis rêvé sur terre où coule le lait et le miel. Certains immigrés vont d’avantage donner du crédit à ce rêve occidental avec l’arme des faux clichés d’une réussite totale, facile et sans grand effort.
Attention justement à ces faux clichés à l’ère des réseaux sociaux où l’e-réputation peut porter les gènes de la tromperie. L’occident n’est pas une banque à ciel ouvert où des liasses de billets sont distribuées à qui le veut sans effort. Les conditions sont aussi pénibles. Il faut s’aguerrir pour s’intégrer.
Puisque le développement est perçu, avec la grosse erreur de lecture, comme une courbe linéaire sur laquelle les pays du Nord ( pays dits développés/ industrialisés) seraient en avant et que les pays du sud ( pays africains/ tiers-monde) seraient en arrière, réussir à mettre ses pieds dans ces pays du Nord devient un critère de réussite pour beaucoup.
« J’ai un visa, je veux voyager ». Quand cette phrase est prononcée par un jeune africain ou béninois, il vous suffira de voir l’éclat et la lueur d’espoir sur le visage de ses proches. Avant même que ce dernier ne franchisse le seuil de l’aéroport pour prendre son vol, il a déjà réussi dans la tête de beaucoup de personnes. Pure illusion !
Les appels, sollicitations d’aides, les discours du genre » fais tout pour te trouver un petit job là-bas ; ne reviens plus ici pour rien au monde », les propos négatifs mettant uniquement en avant le malheur au pays, etc.. finissent par devenir un poids.
Et quand bien même, le jeune homme ou la jeune femme a envie de revenir, le système de conditionnement de ses proches au pays le dissuade. Qu’ils soient livrés ou pas à tous actes d’inhumanité qui méprisent la dignité de l’Homme, on ne veut pas voir ça. La bêtise conduit même certains à trouver des vertus dans le choix d’être une serpillière en terre étrangère. Le système de conditionnement érigé par les proches au pays est si fort que peu d’immigrés réussissent à faire marche-arrière même s’ils estiment ne pas être heureux.
Partir, étudier, rester ou revenir…sont des choix individuels reposant sur des projets de vie ; lesquels projets sont motivés par des opportunités ici et ailleurs. Entre ceux qui ont étudié en Afrique et qui sont restés en Afrique avec leurs diplômes ; ceux qui sont partis à l’extérieur pour des études et qui sont revenus, et ceux qui sont partis et sont restés dans les pays d’accueil, il n’y a aucun mérite particulier à attribuer à tel ou à tel.
Il faut juste souhaiter que chacun mette ses atouts au service du développement des communautés et des pays sur le continent. Si les conditions sont réunies, le retour bien préparé ne peut être assimilé à un échec. Nous devons déconstruire ces pensées.
Joël Tchogbé, sociologue