Le minage. Parlons-en en quelques phrases.
Le concept a un sens commun. En langage militaire, la Convention d’Ottawa laissera transparaître l’idée d’une mine conçue pour exploser du fait de la présence, de la proximité ou du contact d’une personne et destinée à mettre hors de combat, blesser ou tuer une ou plusieurs personnes. Le principe de la présence n’est donc plus nécessaire pour obtenir le résultat (p.ex. anéantir l’ennemi sur un champ de bataille). Les experts, stratèges et autres sécurocrates dans le sérail militaire savent qu’il s’agit d’une arme d’anéantissement de l’ennemi sur les flancs de combats. Aussi, la pose des mines, a-t-elle pour but de délimiter une zone à risques sur laquelle plane la mort à chaque mouvement des troupes adverses, soit à pied où avec d’autres engins. En temps de guerre, les belligérants ont bien conscience du coût humain à payer s’ils sous-évaluent l’effet des mines.
Dans le contexte africain et béninois, l’emploi de ce terme » minage » est loin d’ouvrir un lexique de guerre conventionnelle encore moins de guerre asymétrique. Le minage est le terme français emprunté pour rendre compte d’une autre pratique endogène en raison de la similitude des modes d’action et des objectifs poursuivis.
La pratique consiste à s’offrir les bons offices de diverses entités à fortes charges pour miner son épouse ou son époux. Les sachants détenant le secret des éléments de la nature, sont les seuls interlocuteurs valables pour les hommes et femmes en quête des mines. Quand bien même devant l’officier d’état civil, devant le père célébrant, Dieu et les hommes, les partenaires ont juré par tous les saints qu’ils s’unissent pour le meilleur et pour le pire, il subsiste néanmoins une dose de méfiance.
La confiance n’exclut pas le contrôle, dit-on. Dans le couple, l’époux va miner son épouse pour s’assurer que les vœux de fidélité sont respectés. Nul ne veut être cocufié impunément pour devenir un sujet de raillerie et la risée en société. Elle n’a pas le droit d’avoir un amant. Il y a trop de conséquences derrière cet acte de » déshonneur ». Ne me posez surtout pas la question sur l’infidélité de l’homme banalisée et parfois promue. Je ne veux surtout pas me mettre à dos mes frères hommes ou me retrouver dans le champ de tirs de nos sœurs. Discriminant ou pas, le système ne tolère pas l’infidélité de la femme.
Au-delà de tout, je voudrais me concentrer sur l’essentiel. Le minage est l’expression matérielle d’une crise de confiance entre les conjoints. C’est un mécanisme de contrôle, de dissuasion et d’asservissement auquel font recours les partenaires pour s’assurer que la fidélité est observée dans les liens du mariage.
Dans un contexte moderne de dévoiement des valeurs et de banalisation du sexe, les vœux de fidélité ont perdu en poids. Les femmes et les hommes en ont pleine conscience puisqu’ils en sont les acteurs de premier plan sous la fougue de la jeunesse. Nous pouvons désacraliser le sexe pendant notre jeunesse mais le sacraliser une fois dans un couple formel fondé sur les valeurs du mariage. C’est la nouveau paradigme bon marché qui irrigue les consciences.
Mais le mariage n’a rien de magique pour induire une amnésie chez les mariés. L’habitude est une seconde nature. La résurgence des anciennes habitudes, signe inévitable de l’infidélité, va être source de paranoïa et de crainte. Pour défendre son terroir, le minage est plus que jamais une option envisagée.
Véritable piège à Hommes, les mines posées préparent discrètement dans le silence africain des sépulcres aux candidats à l’infidélité. Mais attention !!! S’il y a des mineurs certifiés, il y a aussi des démineurs agréés. La crise de confiance et l’infidélité laissent ainsi cours à une opposition ou une rivalité entre entités au sein des couples.
A-t-il le droit ou a-t-elle le droit de miner son partenaire ou sa partenaire ? N’attendez pas, de moi, une réponse. Il serait juste que les fondamentaux du mariage soient respectés par les conjoints. Le renouvellement perpétuel des vœux d’engagement au sein du couple et un dialogue sincère permettraient de renforcer la confiance réciproque. Les conjoints devraient aussi avoir le courage de faire et d’assumer des choix douloureux pour le bien individuel.
Joël Tchogbé, sociologue