L’ancien président Boni Yayi n’est pas passé par quatre chemins pour critiquer les récentes décisions prises par la CEDEAO en ce qui concerne la crise au Niger. Il n’a pas manqué de faire des propositions pour une sortie de crise.
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« Depuis le 26 juillet 2023 que la prise du pouvoir au Niger par les militaires est intervenue, de nombreuses voix se sont élevées pour condamner le Coup d’Etat.
Cependant, qu’il s’agisse d’Anciens Chefs d’État, de Dignitaires des cultes endogènes, des chefs et sages de communautés religieuses, de Conférences Épiscopales, d’intellectuels africains du continent ou de la diaspora, des membres de la société civile, la condamnation est aussitôt suivie du refus de l’usage de la force et d’appel à privilégier la diplomatie et le dialogue.
En ma qualité d’Ancien Président du Bénin et de l’Union Africaine, j’ai été en son temps sollicité dans la résolution de plusieurs foyers de tension et de crises électorale en Côte d’Ivoire (2010), au Mali (2012), en Sierra Leone (2012), au Ghana (2012), en République centrafricaine (2012), au Burkina Faso (2014), au Burundi (2015) et plus récemment en Guinée (2022).
C’est pourquoi en toute modestie, mais avec la plus grande fermeté, je condamne le Coup d’Etat militaire perpétré au Niger, et demande la libération du Président Bazoum ainsi que la préservation de son intégrité physique et celle de sa famille. A mon tour, j’en appelle aussi au dialogue et à une solution diplomatique négociée.
Le Dialogue et la diplomatie doivent primer sur l’option guerrière. Car en fait, l’opinion publique africaine continue de se demander avec inquiétude pourquoi notre institution régionale n’a pas cru devoir saisir les Nations Unies notamment son conseil de sécurité comme à l’accoutumée ou tout au moins tenir compte de l’avis du Conseil de Paix et Sécurité de l’UA qui, sur la base de sa détermination à faire taire les armes en Afrique à l’horizon 2030, demande à la commission de l’UA avant toute intervention militaire d’entreprendre une évaluation des implications économiques, sociales et sécuritaires sur les populations et de lui en faire rapport.
Il est évident qu’une telle intervention donnerait lieu à l’affrontement entre nos États, nos peuples, entraînant la fragilisation de nos économies et finalement la dislocation de la CEDEAO. Nous devrions absolument éviter cela afin de préserver la mémoire des Pères fondateurs de la CEDEAO.
Il est grand temps de rendre réelle la volonté des pères fondateurs de l’OUA, notamment du Président Kwame Nkrumah dont le rêve a été la réalisation de l’unité de l’Afrique : « Africa Must Unite ».
En outre, je constate avec beaucoup d’amertume et stupéfaction que ces appels sont demeurés lettre morte et une espèce d’épée de Damoclès reste suspendue sur les paisibles et vaillantes populations du Niger. Les frontières demeurent fermées contraignant le peuple frère du Niger et d’autres peuples du monde à une famine de plus en plus certaine et probablement à des réfugiés.
Que les responsables africains à tous les niveaux et singulièrement les Chefs d’État de la CEDEAO se souviennent que ce fut en 1885 à la Conférence de Berlin que l’Afrique a été partagée. Et ce fut dans une résistance farouche que l’Europe colonisatrice est arrivée à bout de nos Héros Almamy Samory Touré, Bio Guerra, Kaba et Behanzin, imposant alors les frontières actuelles.
Je souhaite pour des raisons humanitaires avec toute la solennité requise l’ouverture de toutes les frontières fermées aujourd’hui ainsi que la levée des sanctions économiques, monétaires et financières qui ciblent directement nos peuples fragilisés et innocents dans cette affaire.
Par ailleurs je m’associe au Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine pour lancer un appel vibrant à tous les acteurs pour qu’ils évitent toute sorte d’ingérence extérieure. Je les invite aussi à s’employer à semer l’évangile de la Paix et non celle de la guerre. Chacun doit éviter de transformer le Niger et notre sous-région en un théâtre de conflits généralisés et en un sanctuaire du djihadisme.
Enfin, je demeure persuadé que le moment est venu pour faire nôtres les principes fondamentaux de la charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance afin d’aboutir à la surveillance multilatérale de la gouvernance des affaires des États membres de notre communauté. Ainsi, sur la base de nos protocoles, adopter des mécanismes de convergence constitutionnelle, harmoniser et consensualiser nos lois dont le non-respect constitue certainement un des facteurs de la recrudescence des remises en cause de l’ordre constitutionnel et de la flambé des Coups d’État militaire dans nos pays. En d’autres termes, dans l’opinion, les Coups d’État militaire sont la conséquence des coups d’État institutionnels. Il s’en suit que la CEDEAO doit affirmer son leadership dans ces domaines afin de prendre en compte les intérêts et la survie de nos peuples.
Nous avons besoin de continuer d’asseoir dans nos pays et notre sous région, une gouvernance de paix dépouillée de toutes sortes d’exclusions politiques. Institutionnelles, électorales, économiques, sociales et sécuritaires.
Que Dieu bénisse la CEDEAO et l’Afrique Unies. »
Je vous remercie
Président Docteur Thomas Boni Yayi
Ancien Président du Bénin
Ancien Président de l’Union Africaine
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