Les États-Unis dominent le commerce mondial de sang humain et deviennent le 1er exportateur au monde.
D’après The Economist, en 2023, les exportations de plasma sanguin à usage médical ont représenté un peu moins de 2% du total des exportations américaines, presque quatre fois plus qu’il y a 10 ans. En valeur, cela représente 37 milliards de dollars, soit plus que les exportations américaines d’or ou de charbon. Le plasma sanguin, la partie liquide du sang, contient des protéines utilisées dans la fabrication de nombreux médicaments pour les personnes souffrant de cancer, par exemple.
Il est aussi de plus en plus utilisé dans la recherche. La demande mondiale de sang humain ne cesse d’augmenter et les États-Unis fournissent à eux seuls près de 70% du plasma à usage médical de la planète.
Le don du sang doit rester un geste de solidarité désintéressé
Comme souvent quand il s’agit de l’économie américaine : l’un des facteurs explicatifs de cette domination est à chercher dans l’absence de régulation. Aux États-Unis, vous pouvez donner votre sang plus de 100 fois par ans, trois fois plus qu’en Europe. Face à la demande, en 4 ans, 400 centres privés de prélèvement de plasma ont ouvert dans le pays. Surtout, les donneurs américains sont rémunérés, à peu près 40 dollars par don alors que dans la majorité des pays du monde cette pratique est strictement interdite.
Si l’Union européenne autorise depuis le printemps la rémunération des donneurs, seule une poignée de pays ont franchi le pas et les organismes ont interdiction d’en faire la publicité. Il y a un enjeu éthique : le don du sang doit rester aux yeux des États qui interdisent sa marchandisation un geste de solidarité désintéressé. L’idée étant de ne pas littéralement aspirer le sang des plus pauvres. Il y a aussi un enjeu de santé publique : un donneur qui poursuit l’objectif d’être rémunéré pourrait être tenté de dissimuler une maladie où des comportements à risque qui le disqualifieraient.
Éthique à géographie variable
Comme souvent, les États-Unis ont une approche plus pragmatique du problème : la demande de plasma étant supérieure à l’offre, le législateur s’en remet au marché. The Economist pointe du doigt l’hypocrisie des pays qui interdisent la rémunération des donneurs à domicile mais que leurs scrupules n’arrêtent pas quand il s’agit d’importer le plasma américain. La Grande-Bretagne et le Canada sont ainsi devenus largement dépendants des importations venues des États-Unis. Les Européens aussi dans une moindre mesure. Et même la Chine qui n’autorise pourtant qu’une seule protéine sanguine à l’importation, l’albumine, se fournit très largement chez son concurrent américain.
La palme de l’hypocrisie revient à la France qui a fait pression sur Bruxelles pour ne pas autoriser la rémunération des donneurs au sein de l’UE en dénonçant la « commercialisation du corps humain déjà en cours aux Etats-Unis ». Or l’Etat français est aussi le seul actionnaire du groupe LFB dont la filiale américaine opère 6 centres aux Etats-Unis, des centres dont le slogan est « earn cash, save lives », « gagnez de l’argent, sauvez des vies ». Visiblement les arguments éthiques se sont perdus quelque part au milieu de l’Atlantique.