Abdourahamane Tiani qui a pris le pouvoir au Niger après le coup d’État a son plan pour relancer l’économie du pays en dépit des tensions avec la France.
Après avoir suspendu pendant plusieurs mois leur action, le FMI et la Banque mondiale sont désormais sur la même ligne. Les institutions de Bretton-Woods ont repris leurs échanges avec le gouvernement dirigé par le Premier ministre Ali Mahamane Lamine Zeine. La Banque mondiale a notamment approuvé fin juin un très important programme de soutien de 1 milliard de dollars sur 12 ans aux secteurs de l’agriculture et de l’élevage.
Un mois avant, le fonds avait envoyé pendant une dizaine de jours une équipe dirigée par Antonio David à Niamey pour prendre le pouls de l’économie nigérienne et effectuer la revue des programmes en cours au moment du putsch.
À l’issue de la mission, la reprise de la coopération est actée. Et le 18 juillet, sans surprise, le conseil d’administration du FMI a annoncé le décaissement immédiat d’un appui d’environ 71 millions de dollars pour renforcer la stabilité macro-économique du pays et l’aider à financer sa transition écologique.
Un bol d’oxygène bien venu pour Niamey. Quelques jours auparavant, le Premier ministre reconnaissait dans un discours télévisé que l’équilibre budgétaire du pays avait été mis à rude épreuve.
Des investissements divisés par deux
« Nous avons, comme vous le savez, consacré plus de 8 mois, voire 9, 10, pour convaincre les partenaires qui ont décidé de suspendre leur coopération à reprendre, afin que les ressources qu’ils assurent puissent permettre de faire des investissements », a-t-il expliqué. L’an dernier, le gouvernement a divisé ses investissements par deux par rapport à 2022 en même temps que ses recettes ont fortement chuté.
Dans les mois qui ont suivi le coup d’État, le gouvernement a en effet cumulé les dettes vis-à-vis de ses créanciers nationaux et internationaux. Dans son intervention, Ali Mahamane Lamine Zeine, a d’ailleurs reconnu que les autorités avaient dû se tourner vers ses partenaires chinois pour se financer. En avril, elles ont obtenu de Pékin 400 millions de dollars prévus pour être remboursés sur douze mois grâce aux recettes de la future production pétrolière du pays. De l’argent frais qui a servi à payer des arriérés de plusieurs dizaines de millions de dollars à la Banque mondiale, un apurement de la dette du pays indispensable à la reprise des programmes de l’institution, mais également du FMI.
Les ménages nigériens ont, eux aussi, dû faire preuve de résistance. Dans les mois qui ont suivi le coup d’État, les prix de certaines denrées comme le riz ont augmenté de près de plus de 30 % dans certaines régions.
Mais là encore, les importateurs ont réagi en trouvant de nouvelles routes pour alimenter les marchés, via le Burkina Faso ou le Nigeria en contournant les points de contrôle. Les statistiques du FMI montrent d’ailleurs qu’à partir du mois d’octobre, les prix du panier moyen sont redescendus pour ensuite progresser plus lentement pendant plusieurs mois, même si les chiffres du mois d’avril font état d’une hausse plus brutale.
Négocier une sortie de crise
« L’économie nigérienne, si elle n’est pas au beau fixe, a su faire preuve de résilience. La banque africaine de développement table même sur une croissance de 11% pour 2024 grâce aux revenus pétroliers », se félicite d’ailleurs Yacouba Dan Maradi, président du syndicat des importateurs et exportateurs du Niger (Sien).
Cet optimisme, partagé par le FMI, reste néanmoins conditionné à la reprise des exportations du brut en provenance du gisement d’Agadem. Face au refus de la junte nigérienne d’ouvrir la frontière après la levée des sanctions de la Cedeao, le pouvoir béninois a arrêté début juin cinq Nigériens venus assister dans l’enceinte du port de Sèmè-Kpodji au chargement d’une cargaison de pétrole acheminé depuis le Niger via le pipeline construit par la China National Petroleum Corporation (CNPC).
En retour, le Niger a coupé les vannes, interrompant ses livraisons. Plus d’un mois après cet incident, tous les Nigériens ont été relâchés, mais sur le fond, c’est le statu quo. Le 24 juillet, une délégation ministérielle en provenance de Niamey s’est finalement rendue à Cotonou pour rétablir le dialogue. Plusieurs dossiers ont été évoqués : les difficultés d’approvisionnement du Niger en médicaments, le blocage d’engins militaires au port de Cotonou, la reprise des exportations pétrolières et les soupçons de la junte quant à la présence d’une base militaire française dans le nord du Bénin. À l’heure où nous écrivons ces lignes, les représentants nigériens se disaient satisfaits des échanges avec leurs homologues béninois, mais aucun détail n’avait été communiqué sur les modalités d’une sortie de crise. Pénalisé par ce blocage et inquiet de la recrudescence des attaques terroristes sur ses installations, China National Petroleum Corp, qui exploite le gisement, a suspendu ses activités le 21 juillet.
Ce bras de fer illustre plus largement la rupture opérée avec la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Prenant acte des sanctions de la CEDEAO, le 16 septembre 2023, le Niger a créé avec le Burkina Faso et le Mali, où des transitions militaires sont également en cours, l’Alliance des États du Sahel. Et fin janvier, ces trois pays ont signifié qu’ils entendaient sans délai sortir de l’institution régionale et à terme se doter d’une monnaie pour remplacer le franc CFA.
Des bouleversements politiques qui ont pesé fortement sur les entreprises. L’an dernier, les prêts accordés au secteur privé ont ainsi reculé de -6,5 % selon le FMI.
Pour relancer l’économie du Niger, loin de la France, Abdourahamane Tiani et son premier ministre, Ali Mahamane Lamine Zeine, ont enchaîné les tournées pour visiter les pays susceptibles de lui apporter de l’aide. En janvier, le Premier ministre nigérien a ainsi passé trois jours à Téhéran, puis s’est rendu à Moscou et dans la foulée en Turquie.